L'image paisible qu'on se fait en général de l'écrivain, studieux avec sa plume d'oie crissant sur le papier à la lueur d'une chandelle, est certes belle mais surfaite (on peut remplacer la plume d'oie par un clavier d'ordinateur, mais on garde la chandelle pour le côté romantique)
Un auteur c'est quoi au juste ? Réponse : une personne qui se cloître dans son propre univers des jours durant et ne s'extirpe de cet isolement qu'après avoir assouvi le besoin d'exprimer les "trucs" lui dévorant les tripes. Avec pour cadre de travail un décor soit aseptisé, soit un capharnaüm où une chatte ne retrouverait pas ses petits.
L'acte d'écrire est souvent assimiler à une forme d'épanouissement. On omet de spécifier que cette thérapie peut découler d'un profond mal être et accroître de par sa pratique souffrance, voir névrose. Un accouchement sans douleur, ça existe ? Rarement à ce qu'il paraît, surtout avec les forceps. Donner vie par les mots à des personnages, faire ressortir leurs émotions, développer un récit cohérant… Cela équivaut à réduire un maximum sa sociabilité et la libre flânerie de l'esprit. Un auteur, quel que soit son style mais qui aime vraiment écrire, est un individu chiant, un obsédé doublé d'un foutu schizo. Un rôliste égoïste. Il n'aura de cesse de régurgité la bile littéraire qui lui retourne le cœur. Rien de bien sexy donc. On n'écrit pas pour admirer son nom en beaux caractères sur une couverture de livre, ni en perspective de briller en société. Pas QUE pour ça en tout cas. Le prix des insomnies, du doute pimenté d'une trouille tenace, des larmes parfois… même de sang dans le pire des cas, serait bien trop lourd à payer. Surtout qu'à peine cet accès créatif apaisé, un exhibitionniste des mots ne tarde pas à rechuter.
L'enfantement par la prose marginalise, sans parler de ce grain de folie qui germe, qui germe…
Mais souiller l'illusion inspirée par l'écrivain serait absurde, injuste même. Les gens ont trop besoin d'idéaux pour cela. Certains s'évertuent suffisamment déjà à briser les rêves d'autrui avec leurs conneries aigries et moralisatrices ; ces bien pensants pour qui rien n'est possible et tout espoir ne peut être qu'obsolète. On ne retiendra donc que l'aspect gratifiant de la chose : exception faite des quelques aléas mentionnés, l'écriture est une passion seine, une chouette activité…